L’accord signé chez Michelin en novembre dernier pour développer la mixité dans l’entreprise est la marque d’un engagement pris pour changer une réalité du travail trop longtemps ignorée, et même volontairement écartée. Retour sur ce véritable pas en avant.
Clermont-Ferrand, le 14 novembre dernier. L’ambiance s’est faite quelque peu solennelle dans la salle de réunion du site des Carmes de l’entreprise Michelin. Un photographe a même été invité. Il s’agit d’immortaliser la séance de signature de l’accord mixité. La déléguée régionale aux Droits des Femmes et à l’Egalité professionnelle, grand témoin de l’événement en quelque sorte, est aussi de la partie. Le sujet est d’importance et les ambitions clairement affichées. Pour autant, toutes les organisations syndicales ne sont pas là. Seuls la CFDT, la CFTC, la CFE-CGC et Sud ont décidé d’apposer leurs signatures au document.
Chez Michelin, comme dans la plupart des entreprises du caoutchouc, la population féminine ne représente que 20 % des salariés. Pour la majorité d’entre elles, ces femmes occupent des postes d’employées ou d’agents de maîtrise. Elles ne représentent qu’une minorité chez les ouvriers et les cadres, quand elles ne sont pas quasiment exclues de ces collèges. C’est cela que l’accord mixité a pour ambition de transformer en engageant une démarche concrète qui favorise l’embauche de femmes dans les métiers occupés majoritairement par des hommes, et inversement.
Un travail d’étude est d’ores et déjà engagé pour que l’ergonomie des postes tenus par des ouvriers ou des agents de production, soit améliorée. L’objectif est que ces postes d’hommes puissent désormais accueillir des femmes. Une évolution qui devra aussi passer par l’aménagement des locaux sociaux, comme les vestiaires ou les sanitaires.
Pour Véronique et Alain, les signataires CFDT de l’accord, c’est un pas important qui vient d’être franchi. « Il y a quelques années encore, la réalité des inégalités entre les hommes et les femmes était tout simplement niée. La direction cherchait même à justifier ces discriminations envers les femmes par de beaux discours… » L’équipe CFDT souligne aussi qu’ « une disposition de l’accord prévoit que la mixité [soit] aussi visible au sein des instances représentatives du personnel, tels les délégués du personnel, les élus des comités d’entreprise et des CHSCT. C’est un challenge que nous relevons. C’est notre façon de montrer l’exemple et de balayer devant notre porte ». Et de sourire en ajoutant : « il s’agit bien déjà de mixité quand Véronique et Alain signent ensemble l’accord ! ».
Et l’accord mixité ne s’arrête pas là. Il consacre notamment plusieurs de ses articles à la redéfinition concrète des mesures liées à la maternité. Elles concernent, évidemment, les femmes au premier chef. Mais aussi les hommes, quand il s’agit de rappeler l’existence du congé paternité ou du congé parental d’éducation qui peut être utilisé autant par le père que par la mère. L’accord aborde aussi les questions qui relèvent de la conciliation de la vie professionnelle et de la vie privée. Ainsi il y est question des services à la parentalité comme l’accès aux crèches, mais aussi des aléas de la vie comme l’hospitalisation d’un enfant ou bien l’accompagnement d’un proche en fin de vie.
Evidemment, ce nouvel accord ne pourra transformer instantanément la réalité, telle une baguette magique. Mais en plus d’un bilan qui sera dressé au terme de la première année d’application de l’accord, les signataires ont prévu la tenue de commissions de suivi, garantes de cette application. Pour la FCE-CFDT, cela va dans le bon sens. C’est l’état des lieux qui sera dressé en novembre 2006, qui dira si les ambitions étaient réalistes ou si les patrons n’ont pas tenu leurs engagements.
Le recrutement et l’évolution de salariés ayant des profils variés, en termes de genre, de culture, de nationalité, de formation et d’expériences, constituent un des domaines d’action de la manufacture Michelin. Le développement de la mixité dans l’entreprise, dans tous les métiers, à tous les niveaux, est un des axes permettant de favoriser cette diversité. (Extrait du préambule de l’accord.)